Victoire et défaite ...

Assez éloignés du centre du P.O, les hommes du bloc4 sont soudainement informés par téléphone que "que le capitaine va se rendre". C'est que les quatre officiers du Kerfent, persuadés de la détermination de l'assaut allemand, viennent de décider de cesser le feu: "le Kerfent a combattu, l'honneur est maintenant sauf".

Les tirs du Mottenberg continuent: la tourelle de mitrailleuse balaye les assaillants collés contre les murs du bloc2 du Kerfent. Quatre Allemands ne se relèveront plus.

Mais dans le Kerfent, on a décidé de se rendre. L'affaire est plutôt précipitée et la reddition se déroule assez brusquement... Le capitaine Broché téléphone rapidement au Laudrefang, où le commandant Denoix lui annonce qu'ils ont repoussé un assaut allemand contre les ouvrages de Laudrefang, Einseling et Téting, grace aux mortiers de 81mm du Laudrefang. Broché informe son supérieur de sa situation précaire et de la décision que ses officiers et lui ont pris...

-"Je vous laisse toute initiative, il faut que le béton serve à quelque chose: s'il ne peut arrêter l'ennemi, qu'il sauve la vie de vos hommes" (commandant Denoix)

Les officiers se souhaitent ensuite bonne chance et raccrochent. Le lieutenant Gangloff détruit les documents du P.O (journal, codes...) et brûle le drapeau de l'ouvrage. Tout va maintenant très vite.

"...soudain, une clameur triomphante monte de la lisière des bois. Les soldats du 339. I.R n'en croient pas leurs yeux: là haut sur le bloc2, une main agite un linge blanc par le crénau de la cloche GFM démolie ! LE KERFENT SE REND !"

Les armes ne tirent plus. Le Mottenberg, auquel le capitaine Broché a aussi téléphoné, a également suspendu ses tirs. Les hommes du I/339 I.R se lancent contre le bloc, ils hurlent "pour que la porte blindée leur soit ouverte". Mais celle-ci reste fermée. Le sous-lieutenant Kuntz, chef du bloc2, attend son capitaine qui est encore au fond de l'ouvrage. Mais le capitaine Broché ne vient pas. Il organise la reddition, cherche des interprètes, prépare la sortie de ses hommes... une dizaine de minutes passent. Dehors les Allemands hurlent et menacent d'utiliser des explosifs pour démolir la porte si on ne leur ouvre pas ! Devant les menaces, le sous-lieutenant Kuntz décide d'ouvrir la porte blindée. On place la passerelle sur le fossé diamant.

Ruée de soldats allemands dans l'ouvrage, sortie paniquée de l'équipage du bloc... ("Raus Raus !") Cohue générale dans le sas de la porte blindée ! Des Allemands se lancent dans l'escalier.

Le capitaine est encore dans la galerie quand arrive par l'escalier un sous-officier allemand ! celui-ci pointe son MP40 et s'avance prudemment, il porte des grenades à manche dans ses bottes (stupéfaction des officiers et des hommes, qui ne savent pas que Kuntz a ouvert la porte blindée, et qui se demandent si le bloc2 a été pris).

Les Allemands vident rapidemment les galeries de leurs occupants (encore "Raus !").

Finalement, le capitaine doit rester dans la galerie. Le major Gollé descend et prend possession du P.O du Kerfent. Il félicite son adversaire pour sa résistance, et lui prie d'indiquer à ses hommes si l'ouvrage est miné. Le capitaine Broché remet son sabre et son pistolet au major, qui les refuse et honnore ainsi la valeur de son adversaire malheureux.

Le lieutenant Gangloff et des Allemands font ensuite le tour des galeries pour vérifier que tout le monde est sorti. Le capitaine Broché doit presque immédiatement montrer aux nouveaux venus les armes, le PC de l'ouvrage... (faire la visite) et expliquer que le vacarme qu'ils entendent ne sont pas des tirs de mitrailleuses, mais bel et bien le bruit sourd des moteurs diesels du P.O ...

 

Sortie de l'équipage du KERFENT:

C'est donc vers 10 heures, ce 21 juin 1940, après 5 heures de bombardement d'artillerie, que l'équipages de l'ouvrage A34 est sorti par le bloc2. Les hommes sont sortis en file indienne, les bras levés, pour se rendre. Le capitaine Broché n'est pas encore sorti de la galerie, le lieutenant Gangloff négocie avec un officier allemand l'autorisation de faire baisser les bras à ses hommes, ce qui est accepté.

Soudain un coup de feu. Un sous-officier allemand qui observait le fossé diamant bascule, il est blessé. Panique: les hommes se regardent, inquiêts. Qui a tiré? Un Feldwebel du 339 I.R hurle à la vangeance: le tir venait du Kerfent ! (les témoignages actuels ne permettent pas de définir vraiment d'où est parti le coup de feu...)

Les officiers français, pris à partie, assurent que ce n'est pas un complot prémédité: ils sauvent la situation (les hommes craignaient des représailles suite à cet acte qui restera un mystère pour tous...)

Sur la place d'armes, devant le bloc2 d'où sort une épaisse fumée blanche (?) l'équipage se regroupe. Des soldats du 339e I.R sont mélangés aux Français, il y a encore une demi-heure ces hommes se battaient, les voilà qui discutent ensemble, fument des cigarettes... des artilleurs de la FLAK viennent sur place pour constater l'efficacité de leurs pièces. Les Français portent presque tous encore leur masque à gaz ANP sur eux. Il n'y a pas de brutalités, tout le monde a l'air heureux "que cela soit fini" ...

Les photographes d'une "Propaganda Kompanie" (P.K) sont sur place et immortalisent la scène (quelques photographies sont présentés dans les galeries photo de ce site)

Les officiers du Kerfent, maintenant prisonniers de guerre, ont encore leurs étuis à pistolet au ceinturon: personne ne leur a réclamé leurs armes ! dans le brouhaha de la sortie, le lieutenant Gangloff essaye de brusquer le départ vers Zimming: en effet, avant la reddition il a téléphoné au sous-lieutenant Klein, de la casemate-sud du Mottenberg, et ils ont convenu tous les deux que "15 minutes après la sortie des hommes du Kerfent, le Mottenberg ouvrirait le feu sur la place d'armes pour essayer de faire des dégats aux assaillants" ! c'est avec grand soulagement que le lieutenant voit la colonne se mettre en route vers Zimming.

Le sous-lieutenant Klein ouvrira le feu de toutes ses armes, comme prévu, et ses tirs seront plus que meurtriers, au point que l'état-major du Höhere Kommando 45 ne contacte les officiers du secteur fortifié de Boulay (colonel Cochinard), afin de "négocier un-cesser-le feu provisoire" pour permettre d'ôter les blessés et sur les devants du bloc2 du Kerfent...

 

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