Abandonnez la LIGNE MAGINOT !

Le 13 juin 1940 l'état-major décida d'évacuer la ligne Maginot. Tournée par le Nord, on ne voyait plus en elle aucune utilité. Les divisions allemandes profondément enfoncées entre Paris et l'Est, se rabattirent vers Toul, Nancy et Belfort. Une large percée fut encore réalisée "plein Est" dans le secteur de Bar le Duc et on risquait de voir les troupes de forteresse (encore généralement assez "indemnes" du point de vue des combats), encerclées sur la ligne Maginot...

Le général de Girval, commandant le secteur fortifié de Faulquemont, convoqua donc ses officiers et les informa de la situation générale des armées. A leur tour, les chefs de bataillons convoquèrent leurs subordonnés: le capitaine Broché, du Kerfent, se rendit à bicyclette au camp de Zimming, où à 16h précise, avec les autres chefs d'ouvrages et de compagnies du 2e bataillon du 156e RIF, le commandant BILBAUT les informa de la décision prise d'abandonner la ligne Maginot, à la grande stupeur de ses officiers.

Après avoir vécu plus de 10 mois sur leurs positions bétonnées, la nouvelle fût reçut comme un coup d'assomoir par les unités de forteresse... (abandon de formidables fortifications sans combattre après avoir passé tout ce temps à tenir le terrain "sans esprit de recul", alors que selon la radio, "cette guerre, on allait la gagner, car on était les plus forts") ...

L'évacuation se fera en plusieurs échelons:

échelon:
unités concernées:
date de l'évacuation:
1er échelon
les troupes d'intervalles
13 juin 1940 à minuit
2e échelon
les équipages des casemates
15 juin 1940 à minuit
3e échelon
les équipages des ouvrages
17 juin 1940 à 22h

 

Premier échelon du repli:

En premier lieu: repli des troupes d'intervalles. Les troupes de forteresse qui occupent la multitude de petits blockhaus se replient, couvertes par les équipages des ouvrages et des casemates qui restent à leur poste.

Le 13 juin au soir, conformément aux ordres, les troupes d'intervalles se retirent. A minuit, les 146e et 156e RIF forment le GROUPEMENT de GIRVAL. Cette "division de marche" placée sous les ordres de l'ancien chef du secteur fortifié de Faulquemont, est largement handicapée par l'absence de moyens motorisés. Seuls quelques camions et quelques chenillettes Renault sont disponibles. Les deux régiments partent en direction de Fouligny puis vers le Sud-Est. Le lendemain, les 69e et 82 RMIF rejoignent le groupement, qui continuera à retraiter vers le Sud tout en combattant, les communes de Château-Salins, Pettoncourt, Burthécourt, Einville et Hénaménil étant le cadre de furieux combats.

La ligne Maginot avait encore un léger sursis, les équipages devant rester à leur poste pour couvrir le départ des autres unités. Le 13 juin à minuit, alors que s'éloignait le groupement de Girval, le commandant DENOIX, officier de réserve et vétéran de la Grande guerre, prit le commandement de la "croûte" destinée à maintenir l'illusion d'un front inchangé. On laissait au secteur fortifié de Faulquemont pour tous moyens: les ouvrages, les casemates (dont les trois casemates complémentaires d'artillerie) et 2 sections de Fusilliers-Voltigeurs par bataillon. De petits groupes du Génie préparaient déjà le sabordage prochain des ouvrages, et terminaient la destruction des stocks de munitions et de matériels que les régiments n'avaient pu emporter. Le commandant Denoix s'installa à l'ouvrage de Laudrefang.

 

Deuxième échelon du repli:

Le 15 juin à minuit, toujours conformément aux ordres, les équipages des casemates, et les sections de Fusilliers-Voltigeurs se retirèrent en direction du sud, laissant les ouvrages seuls. Les casematiers sabotèrent partiellement leurs casemates (armes, portes blindées, systèmes électriques, aérateurs et canons de 75mm des casemates d'artillerie complémentaire).

La ligne Maginot, privée de ses casemates, n'assurait même plus un feu continu. Devant le danger représenté par ces brèches dans leurs défenses, les officiers des ouvrages envoyèrent quelques hommes réoccuper les casemates abandonnées. Ce fût le cas aux casemates des Quatre-Vents, où un détachement du Laudrefang s'installa, et à l'ouvrage de l'Einseling, qui, les nuits, envoyait quelques hommes aux deux casemates voisines...

Cependant, quand le détachement du Bambesch s'avança pour réoccuper les casemates des Bambi (au sud du Bambesh) il était trop tard: ayant appliqué les consignes de destruction, l'équipage avait incendié ses soutes de mazout et de munitions. Un gigantesque incendie consumait les restes de la casemate qui brûla toute la nuit. Pour les observateurs allemands en face il n'y avait plus de doute: on abandonnait la ligne Maginot.

Les ouvrages tenaient maintenant seuls un front qui était devenu perméable. Bientôt, les équipages des ouvrages aussi se replieront et d'après les rumeurs: "ce ne sera qu'une question d'heures"...

 

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