Des tranchées près de la cité Jeanne d'Arc

 

Une intéressante demande d'informations est parue dans le journal local, le 19 février 2009. Elle concerne un mystérieux réseau de tranchées situé près de Saint-Avold.

 

Avec vous, kerfent.com cherche une réponse :)

 

A la fin de septembre 1939, l'Armée française, qui avait avancé de quelques kilomètres en Sarre, capturant notamment le grand village de Lauterbach, se replie derrière la frontière. L'Armée allemande revenait massivement de Pologne et se massait contre notre dispositif : le général Gamelin (commandant en chef) avait préféré, depuis le début, jouer la "carte de la défense".

Symbole de cette défense : la ligne Maginot, vaste ensemble de fortifications en béton, construite dès 1929 à une dizaine de kilomètres en arrière de la frontière, pour éviter une éventuelle attaque surprise. Or pendant la drôle de guerre de 39-40, il était devenu impensable que le terrain situé devant la ligne Maginot soit purement abandonné !

Notre armée de campagne s'y installa, aménagea des défenses avec les "moyens du bord". Il était prévu de former, dans un premier temps, une ligne d'avant postes située au plus près de la frontière. Cette ligne était constituée de différents points d'appui, notés P.A. dans les états-majors. Leurs garnisons étaient fournies par les régiments qui dépendaient des divisions d'infanterie. Début 1940, on établit encore une nouvelle ligne de défense entre la ligne Maginot et la ligne d'avant postes : on la nommera ligne intermédiaire, elle courait de Longeville à Folschviller...

Cet ensemble déjà impressionnant sur le papier fut encore complété par une quatrième ligne, dite ligne d'arrêt, encore en construction derrière la ligne Maginot.

 

Article de réponse dans Le Républicain Lorrain

 

Les vestiges de tranchées aux portes de la cité Jeanne d'Arc appartiennent à la ligne d'avant-postes. Ces emplacement ont été aménagés, successivement, par les différentes divisions qui se sont relayées dans la zone de Saint-Avold de septembre 1939 à mai 1940, à savoir :

Division : Qualité du recrutement :
42e DI active
6e DIC coloniale, réserve série A
41e DI réserve série A
5e DIC coloniale, réserve série A
47e DI réserve série A

DI : division d'infanterie (recrutement métropolitain) DIC : division d'infanterie coloniale : recrutement mixte métropolitain et colonial

Effectifs : environ 15 000 hommes par division // Ces grandes unités d'infanterie dépendaient (pour les dernières) du 9ème Corps d'Armée, qui coordonnait la zone depuis la mi-septembre 1939.

Il faut aussi mentionner, fin septembre et octobre 1940, quelques éléments de la 4e D.I.N.A (DI Nord-Africaine), "prêtés" au S.F.F.

 

Ces divisions étaient chacunes classiquement composées de trois régiments d'infanterie, de deux régiments d'artillerie et d'un groupe de reconnaissance partiellement motorisé. Les divisions n'ont jamais été engagées en totalité : sur leur secteur de front, la valeur d'un seul régiment était aux avant-postes. Cet élément avancé, renforcé en artillerie, recevait le nom de groupe de couverture ou encore, selon les rapports, de détachement d'action retardatrice (DAR).

Le second régiment était placé en renforcement de la ligne principale de résistance (ligne Maginot) et de la ligne intermédiaire ; le troisième régiment, à l'arrière, servait de réserve. Un habile "roulement" régimentaire était effectué toutes les mois, selon les états-majors.

A l'interne, les régiments faisaient faire également des roulements au sein de leurs bataillons (l'un d'eux étant souvent placé en réserve). L'ensemble de ces unités était occasionnellement renforcé par des compagnies de pionniers (le 609e Régiment de Pionniers était dans le secteur de Saint Avold) et par diverses unités du génie.

 

Aux vues de ces nombreux roulements, il sera difficile de savoir qui a vraiment commencé les travaux près de la cité Jeanne d'Arc, et qui les a améliorés. Chaque unité a mis " la main à la pâte ", parfois sur ordre, parfois sur l'initiative seule des intéressés.

Au niveau des archives militaires : des calques indiquant les emplacements de ces positions ont bien été réalisés à partir de cartes d'état-majors mises à disposition des officiers ; la plupart de ces documents ont été détruits, avec plus de 95% des archives, lors de la débâcle de mai-juin 1940. Les archives municipales de Saint-Avold ne possèdent évidemment aucun renseignement, la ville ayant été complètement évacuée de septembre 1939 à juin 1940. La pensée de Saint-Avold complètement déserte et abandonnée est un détail maintenant presque oublié de nos mémoires ! A noter que cette grande ville, jugée trop proche de la frontière lors de la construction de la ligne Maginot, n'était pas protégée par les fortifications en béton ; il avait fallu en évacuer précipitamment la population dès la déclaration de la guerre.

Suite aux évènements militaires dans le Nord et à la percée allemande à Sedan, la dernière division de renforcement (47e DI, du général Mendras) s'est retirée à la fin mai 1940, abandonnant sur ordre la ligne des avant-postes. Seule la ligne intermédiaire a été vaguement réoccupée par les troupes d'intervalles de la ligne Maginot (unités du Secteur Fortifié de Faulquemont, pour ce qui est de la zone de Saint-Avold) jusqu'au 14 juin 1940. A cette date, les unités de forteresse qui avaient été déployées pour masquer le repli des grandes unités d'infanterie se replièrent à leur tour (vers les Vosges), laissant seuls les équipages de la ligne Maginot.

 

Creusement de tranchées dans le bois du Kerfent, par les hommes du 156e R.I.F.

 

De nombreux éléments de tranchées ont été remblayés depuis la guerre. Il en subsiste également vers Creutzwald (un récent déboisage les a mis à jour). Ils sont encore très nombreux par contre dans les intervalles de la ligne Maginot, juste auprès des ouvrages qu'ils étaient sensés renforcer. Les réseaux de barbelés qui les défendaient ont eux, globalement, été retirés. La plupart de ces tranchées servirent d'abris au Allemands quand, du 20 au 25 juin 1940, ils attaquèrent par l'arrière, les ouvrages isolés du Secteur Fortifié de Faulquemont.

Une conclusion ? Que reste-t-il de cette drôle de guerre de 39-40 ? Le temps a effacé de nombreuses traces, ne laissant subsister que les gros éléments de béton de la ligne Maginot. Les fortifications de campagne, elles, ont été simplement oubliées, parfois nivelées. La mémoire collective se doit de repenser à cette période finalement pas si drôle, où des milliers de soldats à qui ont avait vanté les mérites du béton, furent finalement forcés de s'enterrer comme à Verdun, dans des tranchées qui ne veulent plus aujourd'hui être oubliées...

 

 

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