Les ouvrages capturés par les Allemands ...

 

L'offensive allemande de mai 1940 n'était pas destinée à vaincre les ouvrages et les casemates de la ligne Maginot, mais bien à détruire le meilleur des armées alliées (la "force de manoeuvre"). Elle y réussit parfaitement.

Cependant, dans un premier temps, le "coup de faux" lancé dans les Ardennes heurta les faibles secteurs fortifiés du Nord (Maubeuge et Escaut). L'attaque bouscula les blockhaus et les casemates des soldats des 101e et 102e DIF, et les éléments d'infanterie allemands encerclèrent tout naturellement les 5 seuls ouvrages construits par les Français face à la Belgique...

Ces 5 petits ouvrages (présentés du nord au sud dans notre tableau) seront les premières "victoires" allemandes sur la ligne Maginot. Très souvent construits sur l'emplacement d'anciens forts, ils ne regroupaient chacun que de 2 à 3 blocs d'infanterie, et leur soutien en artillerie était quasiment inexistant. Massacrés par l'artillerie, les 88.Flak, les 37.Pak (...) ils feront leur possible pour freiner l'inévitable reddition.

ouvrage capturé (du nord au sud):

unité: secteur fortifié: chef du PO: date de la capture:
Eth
54e RIF
SF de l'Escaut
capitaine Dubos
26 mai 1940
Les Sarts
87e RIF
SF de Maubeuge
capitaine Leduc
23 mai 1940
Bersillies
87e RIF
SF de Maubeuge
capitaine Pujade
22 mai 1940
La Salmagne
87e RIF
SF de Maubeuge
capitaine Brichard
22 mai 1940
Boussois
87e RIF
SF de Maubeuge
capitaine Bertin
22 mai 1940

La faible organisation défensive face à la Belgique était annihilée pour le 26 mai, au moment du début des combats vers le secteur de Dunkerque. Plus au Sud, à partir de LA FERTE (attaqué le 18 mai), la ligne Maginot continuait à protéger la frontière jusqu'à la Suisse.

Le 14 juin 1940, les Allemands lancèrent une forte offensive dans le secteur de la SARRE. Français et Polonais résistèrent vaillament, mais durent se retirer (sur ordre), permettant à la I.Armee allemande de "percer" la ligne Maginot (la propagande s'empara de l'affaire en la tournant à l'avantage de la "puissante offensive"...)

Profitant de leur audace et voulant prouver au peuple allemand que cette fameuse "ligne Maginot" pouvait être vaincue, des unités se lancèrent à l'attaque de certains ouvrages dont on savait qu'ils étaient isolés depuis le retrait des troupes d'intervalle, et donc "privés d'appui d'artillerie"...

Bombardés et relativement impuissants, les petits ouvrages offrirent avec courage et obstination un dernier "baroud d'honneur" avant l'armistice. Les assaillants minimisèrent quelque peu leurs pertes, et malgré la puissance des attaques effectuées sur les "Panzerwerken" de la "vraie" ligne Maginot, sur les 53 ouvrages des Ardennes au Rhin, ils n'arrivèrent à en capturer que cinq:

ouvrage capturé (du nord au sud): code français: unité: secteur fortifié: code allemand: date de la capture: unité allemande:
La Ferté
no 15
155e RIF
SF de Montmedy
Panzerwerk 505
2 juin*

II/191 IR (71 ID)

Kerfent
A.34
156e RIF
SF de Faulquemont
Panzerwerk 240
21 juin
I/339 IR (167 ID)
Bambesch
A.35
156e RIF
SF de Faulquemont
Panzerwerk 230
20 juin
II/339 IR (167 ID)
Haut Poirier
-
133e RIF
SF de la Sarre
Panzerwerk 434
21 juin
486 IR (262 ID)
Welschoff
-
166e RIF
SF de Rohrbach
Panzerwerk 579
24 juin
482 IR (262 ID)

* NOTE: le 18 mai 1940, le PO de la Ferté, après avoir été bombardé par l'artillerie, a vu sa tourelle et ses cloches GFM démolies par des charges explosives, posées par les sapeurs allemands (171 Pion.Bat). Sur ordre du commandement, et ce malgré l'étendue des dégâts (systèmes de ventilation hors service, armes démolies...) le lieutenant Bourguignon, commandant l'ouvrage, a reçu l'ordre de ne pas évacuer. Ensuite, les communications cessèrent. Ce n'est que le 2 juin que deux officiers et huit hommes de la 6.Kie/191 IR entreront dans le bloc 2 et descendront l'escalier. Dans la galerie ils découvriront les 107 hommes de la garnison, morts asphyxiés.

La perte de ces cinq petits ouvrages revêt plus d'un intérêt d'ordre psychologique que militaire, le peuple allemand ayant ainsi la possibilité de revendiquer la chute de "nombreux ouvrages" qui d'après Radio Stuttgart "tombaient les uns après les autres". Les combats effectués contre le Bambesch et le Kerfent d'une part, puis contre le Haut Poirier et le Welschoff (ces deux derniers massacrés notamment par des obus de 150mm anti-béton), n'ont pas ouvert ouvert aux Allemands de merveilleuses possibilités stratégiques... leur capture avait plutôt un objectif de propagande, marquant la chute du symbole d'invulnérabilité de la ligne Maginot, devant la "puissance Wehrmacht victorieuse"...

Nous l'avons vu, puissament tenue et un peu mieux organisée (problèmes d'absence d'artillerie), la ligne Maginot aurait offert une défense irréprochable face à l'infanterie allemande qui voulait se l'approprier, comme elle le fit effectivement face aux 600 000 soldats italiens qui tentèrent en vain de franchir les Alpes fin juin 1940.

10 ouvrages ont donc effectivement été capturés par les Allemands au cours de la campagne de mai-juin 1940: les cinq seuls PO qui faisaient face à la frontière belge, le PO "charnière" annonçant le début de la "vraie" ligne Maginot (La Ferté), et 4 PO "isolés" de part et d'autre de la trouée de la Sarre, suite au repli des troupes d'intervalles.

La mort de quelques équipages supplémentaires, comme leurs frères de La Ferté, n'aurait pas changé le cours de la guerre. Ces soldats du béton, encerclés et sans artillerie, ont fait ce qu'ils pouvaient face à l'ennemi, et leur honneur aura été de combattre jusqu'à l'extrême limite de leurs possibilités dans une période difficile de notre histoire, que trop de gens souvent mal informés n'assimilent qu'à une débacle scandaleuse...

 

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